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Facilement et sans attendre, découvrez l’histoire comme si vous y étiez. Nous sommes tellement heureux de vous la présenter que nous ne nous contentons pas de vous mettre à disposition 1 extrait mais 3 !
Soyez les premiers à découvrir l’ouverture de l’histoire en trois étapes :
PROLOGUE
Une pluie de bisous tomba sur les visages émerveillés des enfants. A la nuit tombée, Cocotte, Eggsy et Lulu étaient allongés dans leurs lits respectifs suffisamment larges pour les engloutir tous les trois dans un profond sommeil. Le matelas de paille était creux et soyeux. Les Poussins blonds, au plumage duveteux, se pelotonnaient sous leur épaisse couverture, dans un confort enviable. Mais la véritable source de leur bonheur se tenait au milieu de la pièce entre leurs trois lits. La Poule, beauté parmi les Poules, était, pour ses trois neveux, une source de quiétude et de chance. Ils l’aimaient plus qu’ils ne s’aimaient eux-mêmes. La Poule répondait au nom de Minouche Orohena. Ses neveux l’appelaient avec affection « Tante Mimine » et, bien qu'ils ne l'aient jamais appelée « Maman », ils la considéraient sans aucun doute comme leur propre mère.
En cette chaude nuit du 20 juin 3906, Minouche souhaita une bonne nuit à ses neveux. Les plumes de ses ailes les cajolèrent. Les Poussins en pyjama frémirent d’excitation. Après avoir pris le temps de les préparer à un sommeil paisible, Minouche était sur le point de partir quand la fratrie protesta.
– Hey ! Tante Mimine, tu n’oublies pas quelque chose ? Et l’histoire ? Tu dois nous en raconter une ! exigèrent-ils.
– Ah ? Les histoires c’est pour les enfants, or vous voulez qu’on vous appelle « ados » maintenant et non plus Poussins, n’est-ce pas ? Des histoires, j’en raconterai à des enfants plus jeunes, mes amours, répondit-elle.
Mais comme elle s'y attendait, sa réponse provoqua un chahut dans les lits. La fratrie protesta que, sans histoire, ils ne parviendraient pas à dormir. Ils auraient chaud, feraient du bruit et troubleraient le sommeil de leur tante.
– Je ne mordrai pas à l’hameçon ce soir mes chéris. Il est tard. Une pointe de déception se dessina sur leurs visages.
– Oh ! On va faire des cauchemars ! dit Lulu, la petite dernière du trio de Poussins escomptant bien que sa ruse marcherait.
– Ah ! L’excuse du cauchemar ! Pile à temps ! Je me demandais bien quand l'un d'entre vous allait la sortir, s’esclaffa la Poule. Bien essayé ! Allez, bonne nuit mes Poussins !
Ils la supplièrent encore, mais elle éteignit la lumière. Ils poussèrent un long soupir. Une voix familière parla alors dans l’obscurité.
– Il était une fois…
– Super ! s’écrièrent les enfants.
– Trois petits Poussins qui refusaient de dormir, dit Minouche en rallumant brusquement la lumière.– Super, soupirèrent-ils.
– Eh bah, Tante Mimine, tu fais mieux les crêpes que tu ne racontes les histoires ! déclara Cocotte.
– Han ! s’esclaffa Minouche, tu as osé !
– On ne veut qu'une seule chose et après on s'endort. Tout ce qui nous intéresse, ce sont les lettres de ton amoureux.
– Ce n'est pas mon amoureux ! Je vous l'ai déjà dit mille fois haha, déclara Minouche amusée. Et n’oublie pas, Madame Cocotte, que tu es l’aînée. Tes cadets prennent exemple sur toi. N’en fais pas des rebelles.
– Mouais. Allez ! Raconte-nous une histoire à partir de ces lettres qu’il t’écrit tout le temps sans être ton amoureux, renchérit Cocotte.
– Très bien, mais après ça, dodo d'accord ?
– Oui ! Promis, Tante Mimine ! s'exclamèrent les adolescents en se remuant sous la couette.
– Et quelle est l’unique règle à respecter à propos de mes histoires ?
– On n’en parle à personne en-dehors de cette maison, car elles parlent de la race des Animaux qu’on ne mentionne jamais dans le village, parce qu’ils font partie du Grand Tabou ! répondirent-ils en chœur.
– Très bien. Alors fermez les yeux et attachez vos ceintures, le voyage va être mouvementé. C’est parti ! prévint Minouche avec passion.
Minouche commença à raconter l’histoire du soir. Ce faisant, elle remarqua que les sourires dessinés sur le visage des enfants ne les quittaient pas.
– Il était une fois, sur une grande île, une ancienne cité majestueuse qu’on appelait Pennedrine et dans laquelle vivaient des milliers de Gallinacés et de Palmipèdes. Ils y menaient une vie paisible, faisaient beaucoup la fête et excellaient dans la maîtrise des arts. Tout le monde s’aimait. Cette cité était l'endroit où les gens étaient les plus heureux au monde. Il y régnait un amour si sincère que les gens se portaient toujours bien, ce qui leur permettait de vivre beaucoup plus longtemps que ce que la nature avait prévu pour eux. Ils vécurent ainsi dans l'insouciance. Mais ce fut ce qui les condamna.
Le danger guettait leur peuple. Non loin de là, au Nord de la cité, se dressait une Montagne de l’Infini. On donnait à cet endroit plusieurs noms comme la Montagne de l'Étrange, le Sanctuaire de la Terreur, ou encore Exelion : la Montagne Royale aux mille climats. Mais l'un d'entre eux, en particulier, resta gravé dans les mémoires : la Ruse, la Montagne des Renards ! Un soir, arriva ce qui devait arriver. Des hordes de prédateurs malfaisants descendirent et envahirent Pennedrine. Ce fut une nuit tragique et parmi les habitants qui y vivaient, très peu en réchappèrent. Pennedrine fut mise à sac. Deux parents désespérés poussèrent leur unique enfant à s'enfuir de la cité en feu. Le gamin était un Poussin à la traîne, pas plus haut que vous. Il s’appelait : Beten Cavalcade. Il fut le dernier à s'échapper. Le groupe de survivants était déjà parti loin devant et personne ne croyait que Beten s’en sortirait.
Mais, ce que tout le monde ignorait était que le courage coulait dans les veines du Poussin. Beten ne se contenta pas de survivre, il quitta l'île sur laquelle il était né, traversa l’océan Emeldrine, et voyagea ensuite vers le Nord, où se trouvent les terres incroyables de l’immense Continent Central. Certaines sont accueillantes, d’autres, malveillantes. On y trouve la plupart des Montagnes de l’Infini , les plantes exotiques les plus bizarres, les phénomènes météorologiques les plus insensés et même un pays où le temps s’écoule différemment ! On y entend les plus belles légendes sur les invocations et c'est aussi là-bas que vivent les plus grands rois de la planète.
Beten, exténué, demanda justice au roi des Lions Meckongo Katanga pour ce qui était arrivé à son peuple, mais personne ne l'écouta. En effet, il n’avait aucune preuve qui impliquait le territoire des Renards dans le destin tragique de Pennedrine et l’enfant chétif n’avait plus la moindre force. Mais, porté par le souvenir de ses parents tombés avec sa cité natale, il n'abandonna jamais. Il voyagea encore malgré la faim, la soif, les pluies torrentielles et le soleil ardent, jusqu’au Nord-ouest du Continent Central, où il atteignit le pied des montagnes inaccessibles d’Angbarod, territoire des Aigles. Ce fut à cet endroit que Beten s’effondra. Pourtant, une chose inattendue se produisit.
A quelques kilomètres de hauteur, le roi Terragon Aronstar lui-même le vit depuis son trône. Pris de pitié, il envoya les siens le cueillir. Il fit soigner et nourrir le Poussin épuisé, puis il écouta le récit de sa tragédie. Terragon fut aussitôt bouleversé par son histoire. Il avait devant lui une petite créature qui, malgré la peur, avait traversé le monde entier pour sauver son peuple. Alors, contre toute attente, le roi décida d'élever l’enfant comme son propre fils !
Beten grandit ainsi parmi les plus grands chasseurs du monde. Bien entendu, il ne devint jamais un Aigle et, en tant que fils adoptif du roi, son titre de prince ne lui accordait aucun droit sur le trône. Mais il fut soumis à un entraînement si intense qu’il devint un grand Coq habité d’une force encore jamais vue pour un Gallinacé. Il se révéla être un jeune adulte aussi courageux qu’un Lion, aussi intelligent qu’un Serpent, aussi souple qu’un Singe.
Ce fut à ce moment-là que tout changea. Onze ans s’étaient écoulés depuis son arrivée, quand Beten décida de quitter le territoire des Aigles afin de rendre justice lui-même à son peuple oublié. Dès lors, plutôt que de rentrer sur son île natale, il chercha les serviteurs les plus puissants du territoire des Renards. C’étaient les cinq commandants. On les appelait également par un nom bien plus sombre : les Cinq Exécuteurs. Par chance, ils se trouvaient déjà tous sur le Continent Central ou dans les terres voisines quand Beten quitta Angbarod. Il les pista, les traqua et les combattit. Leurs affrontements se déroulèrent tour à tour au sommet d’un chêne effrité au cœur d’un terrible incendie, sur la proue d’un bateau dérivant en pleine tempête vers un maelstrom, en fuyant une avalanche sur une chaîne de montagnes, au fond d’une mine de charbon en plein éboulement et enfin, au bord d’un ravin menacé de glissement de terrain. Finalement, Beten remporta chacun des combats. Ses incroyables prouesses firent rapidement le tour du monde. On le surnomma alors : le « Chasseur de Renards ».
L’histoire passionnait les enfants qui gigotaient sous leur couette.
– Alors la suite, la suite ! Qu'est-ce que le territoire des Renards a fait ? Comment a-t-il réagi ? imploraient-ils.
Minouche se leva, embrassa les enfants et se dirigea vers la porte.
– En réalité, le territoire des Renards n'est pas la Ruse, mais le sombre royaume caché derrière qu’on appelle « le Pandémonium ». Là-bas, le roi des Renards, Terebrant Vulpa lui-même, avait préparé en secret un plan pour venger ses cinq sbires de l’humiliation que leur avait infligée Beten. De même, il savait que le Coq allait revenir pour lui et avait une idée de la façon dont il allait le recevoir.
– Ensuite ? demanda Lulu trépignant d’impatience.
– Figurez-vous que Beten a accompli ce qu’aucun Animal n’a jamais été capable de faire. Il a grimpé sur un Aigle et s’est envolé vers le Pandémonium avec quatre-vingt amis Oiseaux. Beaucoup de gens ont été émerveillés de voir un Coq se déplacer à dos d’Aigle en filant vers le Sud, car en réalité, les Aigles étaient les Seigneurs du ciel. Des Oiseaux fiers. Par conséquent, ils ne portaient personne sur leur dos.
Mais, ils considéraient Beten comme leur propre frère. Ils l’escortèrent alors pour son long voyage vers le Pandémonium, au péril de leur vie. C’est ainsi que le Chasseur de Renards en quête de justice traversa le monde en sillonnant le ciel avec un escadron d’Aigles… Voilà pour l'histoire du soir les enfants, bonne nuit !
– La suite demain ? supplièrent les trois têtes qui émergeaient de la couette.
– Demain est un autre jour, mes chéris, déclara leur tante.
– Mais qu'est-il devenu ? Où est Beten ? Se trouve-t-il encore dans les airs ? s’enquit Lulu.
– C’est simple, chuchota Minouche avec un sourire en coin. Il arrive…
L’obscurité enveloppa les trois visages émerveillés quand Minouche éteignit la lumière et ferma la porte.
L’ENVOL
Dans ce nouvel extrait, nous partons pour une virée aérienne avec nos héros sur le dos des plus grands oiseaux du monde. Accrochez vous sensations fortes garanties ! suggestion de musique pour lire l'extrait : https://www.youtube.com/watch?v=KT6JpzKfh-w
– OH ! TROP BIEN ! s’écrièrent en chœur les adolescents frémissant d’excitation. On va voler pour la première fois !
La lumière semblait briller à nouveau de son éclat le plus vif. Les Poussins s’étreignaient de joie et sautaient comme si on leur annonçait qu’ils devenaient, tous les trois, maires de Galline. Ou mieux : détectives en chef.
Les Condors s’allongèrent à plat ventre pour permettre à Minouche et ses neveux de grimper sur leur dos. Le maire resta à sa place, un sourire stupide flottant sur son visage. Eggsy se plaça sur Gryphus tandis que Parcimoney prit en charge Cocotte. Minouche monta sur Ragnarok. Elle installa ensuite Lulu devant elle. Ragnarok leur conseilla de se pencher en avant et de tenir les sangles en cuir. L’instant d’après, Parcimoney s’élança par l’ouverture dans le toit. Minouche, Eggsy et Lulu, perçurent les petits cris étouffés de Cocotte quand elle disparut dans le vide. Une grande peur les saisit quand ils réalisèrent ce qui les attendait.
– A nous deux Eggsy ! lança Gryphus avant de plonger.
Le jeune passager émit les mêmes cris que sa sœur.
– Bien, on dirait qu’il ne reste plus que nous. Attachez vos ceintures, le décollage est imminent ! déclara Ragnarok.
Lulu tâta son petit ventre.
– Je n'ai pas de ceinture ! cria-t-elle.
Le Condor se positionna devant le trou du toit. Minouche sentait la chair musclée de l’Oiseau glisser sous ses longues plumes. Elle percevait également la mélodie lente et assurée de ses battements de cœur. Les pattes de Ragnarok fléchirent.
– A trois... A la une ! A la deux !
Et soudain, sans compter jusqu’à trois, il bondit hors de la tour et plongea vers le sol. Minouche et Lulu poussèrent des cris d’horreur. Aussitôt, Ragnarok déploya ses ailes et amorça son ascension. Il ne put réprimer son fou rire. Il partit à l’assaut du ciel si vite que Minouche et Lulu craignirent d’être désarçonnées. Affolées, elles se risquèrent à jeter un coup d'œil en bas. La foule hébétée qui les fixait devant la Grange devint de plus en plus petite. Minouche et Lulu se cramponnèrent de tout leur être aux sangles tandis que le village s’enfuyait sous leurs pattes tremblantes.
L’air sifflait sur leurs plumes. Minouche crut que son plumage et sa robe allaient s’arracher d’une seconde à l’autre. Elle respirait à peine, malgré l’air qui déferlait jusqu’au fond de ses poumons. Elle plissait les yeux et s’aplatit sur le dos de sa nièce pour l’empêcher de bouger.
– Ragnarok ! Ragnarok ! J’ai le vertige ! hurla-t-elle.
– Ah ! Ça tombe plutôt mal parce que moi aussi ! Cela vous embête si je tombe dans les pommes ? répondit le Condor.
– OUI ! crièrent Minouche et Lulu d’une seule voix.
– Ça va, ça va, je plaisantais ! Les amies, vous avez passé toute votre vie au sol, ne regardez pas en bas, portez plutôt votre regard vers le ciel, voyez les choses en grand !
Elles lui obéirent et découvrirent alors que Cocotte et Eggsy étaient devant eux sur leurs Condors respectifs. Ragnarok alla se placer à leur hauteur. Les deux enfants, dont le vent ébouriffait les plumes, tressaillaient de joie. La peur les avait quittés dès lors qu’ils étaient sortis de l’Œuf-Miroir.
– C’est génial, Tante Mimiiiiiiiiiine ! s’écrièrent-ils.
Mais leur tante était toujours crispée et Eggsy s’en aperçut.
– Tante Mimine, le secret, c’est de lâcher prise ! Tu es libre ! lui lança-t-il.
Soudain, quelque chose d’inattendu se produisit. Sur les conseils de Parcimoney et l’œil inquiet de Minouche, Cocotte se jeta dans le vide. La femelle Condor la rattrapa immédiatement par les pattes. Cocotte ouvrit à son tour ses petites ailes et tendit le corps en arrière. Eggsy en fit de même. Tous deux se sentirent, à ce moment précis, aussi libres que leurs porteurs.
– Dame Orohena, je sens votre crispation contre mon corps, déclara Ragnarok. La peur est un poids lourd qui vous tire vers le bas. Profitez de l’instant présent, et redressez-vous petit à petit. Faites-moi confiance ! C’est plus simple que de cuisiner toute seule des milliers de crêpes par jour ! Allez-y !
Minouche sentit le petit corps de sa nièce sous le sien se redresser.
– Je vais t’aider, Tante Minouche, tu vas y arriver ! lui assura Lulu. Elle repoussa du haut de sa tête le corps de sa tante qui finit dressée comme un pique. Lulu la félicita et se jeta à son tour entre les pattes du Condor.
– Tante Mimine ! Tu n'es pas une grand-mère ! Allez ! cria Cocotte avec énergie.
T’es marrante toi ! Un faux mouvement et je finis aussi aplatie que mes crêpes ! Ces enfants n’ont jamais fait cela auparavant, pourtant ils ne ressentent aucune peur. Comment font-ils ?
– Bien ! Ici Ragnarok, votre commandant de vol. La compagnie des Commerçants Célestes vous souhaite la bienvenue. Tout le monde est en position ?
– Ouiiiiii ! crièrent les enfants en chœur.
– Alors c’est parti !
Les Oiseaux s’alignèrent les uns derrière les autres et Ragnarok prit la tête de la formation. Il vira à l’Est et entreprit d’effectuer des cercles au-dessus de Galline. Il planait. Ses ailes noires aux reflets métalliques scintillaient à la lumière du soleil. Le chef de la compagnie s’inclina sur la droite. Le cœur de Minouche se serra plus fort que jamais. Elle devinait à peine les contours de son village tant celui-ci était minuscule à plus de sept-cents mètres d’altitude. Les petits passagers s’égosillaient de bonheur.
– Je suis certain que Minouche ne voit pas grand-chose de ce qui se passe en bas, pas vrai ? demanda Ragnarok.
– En ef…En effet ! balbutia-elle.
– Je m’en doutais. Nos yeux sont assez uniques en leur genre. Nous parvenons à discerner tout ce qui se passe au sol : qui vient de sortir de la Grange et avec quelle commande, je parviens même à lire les noms de rue sur les panneaux ! En ce moment, je peux vous garantir que Monsieur Coquelicot a soudé son propre corps en face du trou dans le toit de l’Œuf-Miroir. Il scrute le ciel et nous cherche. Mais puisque vous ne voyez rien, je vais vous aider à percevoir cela de plus près ! Attention… accrochez-vous !
Oh non, ne me dites pas que…
Il replia les ailes contre son corps et fondit vers le sol. Le souffle de Minouche se figea dans sa poitrine. Son cœur battait la chamade alors que les cris de ses neveux martelaient ses tympans. La descente soudaine dépassa les cent kilomètres heure. Le village se précipita à leur rencontre.
Nous allons nous écraser ! Ce sera la troisième chose inattendue qui se produira ce jour.
A moins de cent mètres au-dessus du sol, Minouche discernait la terre battue et les passants dans le centre-ville. Ragnarok étendit à nouveau ses ailes et se redressa à moins de dix mètres. Il planait en hurlant de joie. Ses amis le suivaient entre les rues et tous frôlaient les maisons ainsi que les passerelles. Le chef des Condors descendit si bas que les petites pattes de Lulu, à son grand bonheur, raclèrent le sol. Mais il dut soudain vriller à gauche pour éviter des passants effrayés. Ils s’élevèrent au-dessus des toits, aspirant au passage les serviettes des villageois sur lesquelles ces derniers bronzaient tranquillement.
Ils prirent à nouveau de la hauteur pour survoler les terres agricoles qui ceinturaient le village. Les paysans, alertés par le vacarme, cessèrent de travailler et vinrent observèrent ce spectacle inédit glisser au-dessus d’eux.
– Attention Ragnarok, nous allons sortir des limites de Galline ! s’écria Minouche. C’est interdit pour nous. Je ne peux pas faire ça, nous risquons d’être bannis !
– Géniaaaaaal ! répondit Lulu avec enthousiasme.
– Vous ne risquez rien ! rétorqua Ragnarok. Ils ne voient rien d’ici et, quand bien même, ils ne peuvent pas vous bannir, sauf à décider de se priver éternellement de vos crêpes ! Si jamais ils tentent tout de même quelque chose, nous dirons que c’est moi qui vous ai entraînés à l’extérieur. Que vont-ils faire ? S’en prendre à Ragnarok, ancien guerrier au service de son roi Kuntur ? Refuser les services des Commerçants célestes pour se retrouver isolés du monde et sans livreur ? Oubliez les règles pendant quelques minutes Minouche ! Dans les airs vous n'avez aucune maîtrise, lâchez prise !
– Ouais ! Sortons ! Sortons ! C'est interdit alors il faut le faire ! cria Cocotte de toutes ses forces. il faut faire un truc interdit ! On ne meurt qu’une fois !
Ma nièce est givrée !
L'estomac de Minouche se noua lorsqu'elle se vit franchir la limite des champs, mais les grands Oiseaux ne ralentirent pas leur course vers le Sud. Ils survolèrent des vallées profondément encaissées au milieu de collines verdoyantes. Ils touchèrent du bout des ailes l’écoulement de cascades et de torrents. Le spectacle était si saisissant que Minouche en oublia très vite sa peur du jugement de Monsieur Coquelicot.
Enfin, les voyageurs découvrirent les limites d’Arkendrine bardée de falaises, son sable fin et soudain, la mer. Géante, calme et infinie, cette étendue d’eau était si captivante que même Minouche laissa de côté son vertige pour la contempler. Ce paysage était à la fois si proche de son monde et si inconnu. En dessous, Eggsy et ses sœurs percevaient leurs propres reflets chatoyants et nimbés d’un liseré doré. Minouche se retourna. Le village, les champs et même la falaise avaient disparu. Ils étaient si loin au-dessus de la mer que le sentiment de danger était à son paroxysme. Elle réalisa cependant que son sentiment de bonheur avait également atteint des sommets.
– Nous volons actuellement à plus de quatre-vingt kilomètres heures ! Vous découvrez la mer, n’est-ce pas les enfants ?
– Ouiiiiii ! s’écrièrent-ils en chœur, tandis que leurs habits battaient contre leurs plumes.
– Voici l’océan Emeldrine ! C'est la seule chose qui réside entre votre île et le Continent central ! Bref, avec une telle chaleur, j’ai bien envie de me rafraîchir, moi ! Que tout le monde retienne sa respiration ! Minouche ? Tu es toujours avec nous?
– Oui ! répondit-elle non sans inquiétude.
– Parfait ! Maintenant, tu peux te plaquer en avant contre moi !
Elle obéit sur le champ et se cramponna de toutes ses forces, devinant la suite des événements. Les Condors plaquèrent les enfants contre leur ventre, rentrèrent leurs ailes et piquèrent vers la mer. Les neveux ouvrirent grand les yeux pour ne rien rater de ce qui allait se produire. Soudain, la puissance des créatures volantes pourfendit la surface de l’eau et tout le monde disparut.
L’instant d’après, ils se retrouvèrent dans le royaume aquatique où le temps, prisonnier des profondeurs, semblait ne plus avoir cours. La lumière et les sons s'atténuèrent au fur et à mesure qu’ils pénétraient dans l’immensité de cet étrange monde bleu. Des formes sombres se dessinèrent devant eux et vinrent dans leur direction comme un nuage obscur. C’était un banc de Sardines, longues et grises, qui se déplaçaient avec harmonie, regroupées comme un atome insécable. Elles se comptaient par centaines de millions et s’étendaient sur plusieurs kilomètres. La nuée tourbillonnante sur le point d’entrer en collision avec les voyageurs marins se changea soudain en un tunnel de Poissons que traversèrent les Condors. A l’intérieur du tourbillon vivant, les Poussins et leur tante observaient ce spectacle de la nature avec émerveillement. Les enfants frémirent au passage de certaines Sardines, qui les caressèrent en les croisant.
Après être descendus profondément, les Condors remontèrent. Ils quittèrent le tunnel de Sardines qui se reforma aussitôt en un bloc tourbillonnant sur lui-même. La lumière ressuscita, les sons environnants se firent de plus en plus proches. Les voyageurs décollèrent hors de l’eau et le temps reprit son cours.
Minouche et ses neveux, trempés de la tête aux pattes, hurlaient de joie. La Poule avait finalement laissé sa peur au fond de l’eau. Elle criait à en perdre la voix, tandis que les Condors reprenaient de l’altitude, encore et encore.
– Alors, qu’en pensez-vous ? demanda Ragnarok.
– C’est magique ! scanda la famille pleine de vie, remplissant à nouveau leurs poumons d'air.
– Excellent, on va se sécher, avant de retourner sur la terre ferme ! Bien sûr, il est inutile de préciser que personne ne dira à Monsieur Coquelicot que nous sommes allés jusqu’à l’océan Emeldrine.
Les Condors tournoyèrent dans le ciel et laissèrent tomber une trombe d’eau scintillante. Ils allaient si vite que leurs passagers sentaient le vent aspirer les gouttes d’eau salée cachées entre leurs plumes et leurs habits. Les sombres ailes des Condors étaient étendues sur toute leur envergure. En-dessous, les petites ailes des adolescents, les imitaient à nouveau.
Puis, Ragnarok emmena la formation vers les hauteurs célestes. Ils filèrent comme des fusées. Minouche écarta les ailes et poussa de puissants cris. Les trois Condors pivotèrent vers l’Ouest où trônaient, près d’eux, les massifs rois des nuages. Les cumulonimbus se dressaient, telles des vagues blanches géantes figées, abandonnées par le temps. Les Poussins, confortablement accrochés aux pattes des livreurs, mêlaient leurs cris à ceux de leur tante. Ensemble, ils glissèrent sur le ciel, au milieu de ces montagnes opalines flottantes, là où la gravité semblait s’être retirée. Dans ce paysage cotonneux de collines blanches, chatoyantes et feutrées, ils n’entendaient rien d'autre que le sifflement de la vitesse et leurs propres soupirs de béatitude. À présent, Minouche inspirait calmement, sentant les dernières gouttes d’eau fraîche la quitter. Elle savourait cet instant de félicité. Ragnarok avait raison, c’était un cadeau unique qui resterait à jamais gravé dans leur mémoire.
Les Condors fixèrent l’horizon comme s’ils avaient remarqué quelque chose. Ils échangèrent quelques regards entre eux mais ne dirent rien aux voyageurs.
LES TRACES
Dans ce dernier extrait, un évènement fracassant est sur le point d’arriver. Etes-vous prêts à découvrir de quoi il s’agit ?
Cocotte protestait avec ferveur. Malgré la profonde injustice de la situation, elle ne put s'empêcher de ressentir de l'anxiété lorsqu’elle vit deux Pintades se hâter d’aller frapper à la porte de la maison du Chef de Galline. Elle ne savait pas comment tout ça allait se terminer et pour ne rien arranger, Minouche n'était pas debout pour apaiser les cœurs avec quelques crêpes sucrées et parfumées.
Au même moment, Eggsy remarqua que le comportement de Farce devenait étrange. Elle venait de ramasser une large carotte qu'elle déposa dans son panier. Tout à coup, quelque chose stoppa net son geste. La Dinde était tétanisée. Ses yeux écarquillés fixaient le sol. Elle en tremblait de tout son être. Elle se mit à criailler si fort que les querelles environnantes moururent sur-le-champ. Même Coqueluche fut décontenancée par ce changement brutal. Pris de court, personne ne sut comment réagir. Farce tenta de parler, mais seuls des balbutiements s'échappèrent de son bec. Elle ne détachait pas son regard du sol. Les convulsions de ses battements d'ailes repoussaient tous ceux qui l'entouraient.
– Que se passe-t-il ? On vient à peine de se coucher et on aimerait dormir ! grognait-t-on depuis les fenêtres.
Farce abandonna ses victuailles et s'enfuit de la place du rond-point, le plus loin possible. Elle courait en zig-zags.
– Traces de… de…de… de… Clong !
Elle heurta un poteau si fort qu’on aurait dit qu'une grande cloche venait d'être sonnée.
– Oooooh ! s’exclama la foule d’une seule voix.
Mais ni la douleur, ni cet accident ridicule n'empêchèrent la Dinde de continuer à courir. Cocotte réprima un fou rire. C'est alors que le maire et tous les chefs de clan arrivèrent.
À peine réveillé, les yeux plissés, Monsieur Coquelicot vint se poster en robe de chambre à côté de Coqueluche. D'autres villageois, attirés par cette confusion, vinrent ajouter leur lot de curiosité à cette foule grossissante. Malgré l’agitation, Minouche ne se montra pas. Monsieur Coquelicot, qui avait vu la mère de Kebab Sauce Blanche disparaître au loin, parla d'une voix autoritaire.
– Qu’est-il arrivé à cette pauvre dame ? Elle a l'air possédée.
Coqueluche saisit l'occasion de remettre la faute sur les enfants en évoquant l'histoire du poivre. Le maire tourna la tête vers Cocotte et lui lança un regard glaçant.
– Ce n'est pas nous, elle a vu quelque chose par terre! C'est cela qui l'a faite fuir ! répondit aussitôt Lulu saisie de peur.
– Voyons voir comment vous allez vous sortir de ce pétrin maintenant, déclama Coqueluche, les yeux globuleux injectés de sang.
Les villageois parlaient les uns sur les autres mais, pour le maire, l'agitation montante devint bientôt inacceptable.
– SILENCE ! clama-t-il.Le silence tomba au centre du village. La foule regarda le maire agir. Les Gallinois qui n’étaient pas sortis observaient la scène par la fenêtre, sans dire mot. Ils plissaient les yeux pour ne rien rater de ce qui allait se passer.
Tout en verrouillant son attention sur les enfants, le chef du village avança sa patte vers les légumes qui traînaient par terre. Il les écarta par petits à-coups. Derrière lui, Gridin, chef des Dindes, et Mulard, chef des Canards, glissèrent tous les deux la tête au-dessus du maire. Impatiente de savoir ce qui allait être découvert, la foule retint son souffle. Les enfants détachèrent leur regard du maire, afin de le déposer sur ce qu’il venait de porter à la lumière de tous.
Enfin, Monsieur Coquelicot lui aussi, abaissa les yeux. Voici ce qu'ils découvrirent dans la terre battue fraîchement humide : une large empreinte de pas. Sa forme ovale leur fit très vite comprendre qu’il ne s’agissait pas de celle d’un Gallinois.